Femmes et informatique, une question historique

Valerie SchaferValérie SCHAFER (Institut des sciences communication (ISCC) – CNRS / Paris Sorbonne/ UPMC), CR au CNRS, spécialiste d’histoire des télécommunications et de l’informatique, en particulier des réseaux de données.

Le livre de Janet Abbate Recoding Gender. Women’s changing participation in Computing (2012) s’ouvre sur ce souvenir d’Elsie Shutt, fondatrice en 1958 de Computations, Incorporated (Comp, Inc.), entreprise qui employait à ses débuts uniquement des programmeuses en freelance travaillant à domicile :
«It really amazed me that these men were programmers, because I thought it was womens’s work».

Tom Misa, après avoir rappelé que les femmes ont programmé avec passion des ordinateurs pendant plusieurs décennies, souligne quant à lui dans l’introduction de Gender Codes. Why Women are Leaving Computing (2010) le caractère unique de l’informatique au sein des champs professionnels : à la fois par la participation rapide et importante des femmes à ce secteur (au milieu des années 1980, 37% des étudiants diplômés des Bachelor Degrees in Computing aux Etats-Unis étaient des femmes) et par sa chute non moins spectaculaire en une vingtaine d’années, l’informatique devient un cas d’école de féminisation précoce puis de masculinisation des emplois qualifiés.

Invisibilité, plafond de verre, poids des représentations médiatiques et des imaginaires, stéréotypes véhiculés par la culture geek, effets de la crise de l’industrie informatique des années 90 ou phénomène récurrent d’« old-boy club »… nous reviendrons sur les analyses qui ressortent de travaux historiques menés aux Etats-Unis et en Europe, ainsi que sur les principaux apports de ces études qui, tout en cherchant dans le passé une réponse aux enjeux contemporains, restituent et rendent visibles une histoire extrêmement riche, qui a commencé il y a 200 ans avec la naissance de la petite Augusta Ada Byron en décembre 1815.