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Le traçage artificiel

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Le traçage en bref

Le traçage artificiel est une méthode d’investigation et de contrôle fondamentale pour la gestion et la préservation de la ressource en eau et la protection de l’environnement. Elle consiste à injecter dans le milieu hydrique – naturel, mais également aménagé, et même en milieu industriel – des marqueurs dont les propriétés de fluorescence ou le caractère salin, par exemple, vont permettre de tracer les circulations et les trajets des eaux, de leur charge dissoute et des polluants, leurs temps de séjour et de transit, etc. Les questions que l’on tente le plus souvent de résoudre à l’aide des traceurs sont : Où s’écoule l’eau ? D’où vient-elle ? Y a-t-il une liaison hydraulique entre deux points donnés ? Comment des substances (notamment les polluants) se propagent-elles dans l’eau ? La mise en œuvre de traceurs artificiels est souvent la seule possibilité de prouver de manière indubitable un phénomène hydrogéologique concret. Certains spécialistes comparent les essais de traçages en hydrogéologie aux rayons X en médecine (Käss 1998).

Dans la perspective de suivi de la qualité et de gestion durable de la ressource en eau et de l’environnement, les principales applications des techniques de traçages sont :

  • la caractérisation des systèmes hydrogéologiques naturels, l’estimation de leurs ressources en eau,
  • la délimitation des aires d’alimentation et des périmètres de protection des ouvrages d’alimentation en eau potable (AEP),
  • les études d’impact des rejets de stations d’épuration dans le milieu naturel (selon l’arrêté du 22 juin 2007 relatif à la collecte, au transport et au traitement des eaux usées…),
  • les études préalables à la réalisation des Zones de Rejet Végétalisées (EPNAC 2013),
  • les études de propagation des pollutions souterraines existantes ou potentielles,
  • le dimensionnement des puits de dépollution et barrages hydrauliques à la pollution,
  • la conception des opérations de dépollution des aquifères par injection (Waduge et al. 2013),
  • les études géotechniques (infiltrations, fuites d’ouvrages…),
  • les circulations d’eau et pollutions en milieu industriel.

 

Historique et perspectives

Les techniques de traçage trouvent leur origine en hydrogéologie karstique (Mangin et al. 1976). Depuis, l’outil traçages artificiels a été utilisé pour mettre en évidence les relations entre les pertes et les sources des aquifères karstiques (Plagnes 1997). L’emploi de traceurs dans les études relatives aux eaux souterraines marque le début de la recherche moderne sur l’écoulement des eaux souterraines dans les terrains karstiques (Atkinson & Smart 1979). Cette méthode a pris de plus en plus d’intérêt lorsque les problèmes de vulnérabilité et de pollution de la ressource en eau ont pris de l’importance, d’autant plus que les besoins en eau croissants ont amené à exploiter de plus en plus les ressources du karst (Bakalowicz 1977) Actuellement, les eaux potables distribuées en France sont prélevées pour deux tiers dans les nappes souterraines, ou captées aux sources (les aquifères karstiques en représentant environ le tiers).

Malgré ces atouts, elle reste encore trop peu connue, insuffisamment utilisée, et, quand elle l’est, elle est souvent mise en œuvre de manière inadéquate, y compris au niveau des concepteurs ou gestionnaires confrontés à des problèmes de ressource ou de protection de la qualité des eaux. En ce qui concerne l’établissement des zones de protection des ouvrages d’AEP, de gros efforts doivent encore être fournis, d’une part pour adapter les lois au cas particulier du transport des polluants dans le karst, d’autre part pour trouver la méthodologie la mieux adaptée pour pouvoir extrapoler les résultats des essais et les inclure dans l’évaluation de la vulnérabilité (Callier et al. 2005, Muet et al. 2005, Jozja, 2008).

Les techniques de traçage se sont depuis longtemps développées comme une spécialité autonome, c’est pourquoi il est nécessaire aux utilisateurs inexpérimentés de prendre contact avec des spécialistes avant d’entreprendre des essais de traçage. De nos jours, des réponses précises sont attendues dans le domaine du transport de substances polluantes, ce qui génère une nette croissance des exigences pour la planification des essais de traçages, leur exécution et leur interprétation.

La méthode traçage possède par ailleurs un grand potentiel de développement en R&D pour améliorer ses performances et élargir ses applications dans tout le domaine de l’eau et de l’environnement. Les principaux verrous limitant ses applications concernent notamment une compréhension encore insuffisante du comportement des traceurs dans le milieu naturel (dégradation avec le temps sous l’effet de facteurs environnements, interactions-adsorption avec les roches encaissantes et les matières en suspension dans les eaux, etc.). Du point de vue méthodologique, ce sont toute une série de perfectionnements (prise en compte du bruit de fond de la fluorescence naturelle des eaux, discrimination des interférences des matières en suspension colloïdales, etc.) qui, mis ensemble, permettront d’obtenir une amélioration du rendu de la méthode. Le développement de techniques de détection in situ, ou de nouveaux types de traceurs, font également partie des pistes de recherche envisagées dans le domaine.

 

Atkinson T.C. Smart P.L. 1979. Traceurs artificiels en hydrogéologie. Bulletin du BRGM, 2ème série, section III, n° 3, p. 365-380.

Bakalowicz M. 1977. Etude de degré d’organisation des écoulements souterrains dans les aquifères carbonatés par une méthode hydrogéochimique nouvelle. C. R. Acad. Sci. Paris, 284-D, p. 2463-2466. .

Callier L. Chartier R. Courtois N. 2005. Surveillance des eaux souterraines au droit des installations classées en milieu karstique. Application de l’art. 65 du décret du 2 février 1998. Rapport Final. BRGM/RP-54 596 –FR, 38 p.

EPNAC (Groupe de travail national sur l'Evaluation des Procédés Nouveaux d'Assainissement des petites et moyennes Collectivités) 2013. Contenu des études préalables à la réalisation d'une Zone de Rejet Végétalisée. IRSTEA, mars 2013, 16 p.

Jozja N. 2008. Importance de la composante analytique dans la fiabilité de l’interprétation d’un traçage. Actes de la Journée technique du Comité Français de l’Association Internationale des Hydrogéologues « Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller », Orléans, 16-17 mai 2008, p. 207-218.

Käss W. 1998. Tracing Technique in Geohydrology. Taylor & Francis, 585 p.

Lepiller M. 2006a. Val d’Orléans. Aquifères et eaux souterraines en France. Ouvrage collectif sous la direction de Roux J.C. Tome 1, BRGM Editions, p. 200-214.

Lepiller M. 2006b. Gâtinais de l’est. Aquifères et eaux souterraines en France. Ouvrage collectif sous la direction de Roux J.C. Tome 1, BRGM Editions, p. 291-299.

Mangin A. Molinari J. Paloc H. 1976. Les traceurs en hydrogéologie karstique. Leur apport à la connaissance des réservoirs aquifères calcaires. La Houille Blanche, N° 3-4, p. 261-267

Muet P. Vier E. Cadhillac L. Marchet P. 2005. Procédures de protection des captages d’alimentation en eau potable en milieux karstique en France. Bilan et préconisation. Cahiers de l’Association Scientifique Européenne pour l’Eau et la Santé, Volume 11, Fascicule 1, p. 41-47.

Plagnes V. 1997. Structure et fonctionnement des aquifères karstiques. Caractérisation par la géochimie des eaux. Thèse de l’Université de Montpellier II. Document BRGM 294, 375 p.

Roux J.C. (dir.) 2006.  Aquifères et eaux souterraines en France, Tome 1, BRGM Editions, 479 p.

Waduge A. Cohen E. Divine C. 2013. Tracer testing strategies for effective design and implementation of in situ groundwater remediation. Journal of Environmental Science and Engineering A, 2, p. 759-769.