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Thèse de doctorat conjointe IFPEN

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Combustion zéro carbone : effet sur le vieillissement du lubrifiant et son impact sur les émissions

 

Problème scientifique

À l'heure actuelle, les secteurs de l’énergie et des transports vivent un période de profonde mutation, qui inclut notamment la prise de conscience de l’impact des émissions sur l’environnement et la santé. En particulier que ce soit pour le transport maritime routier ou pour la production d’électricité, l’utilisation de composés « Zero-Carbon », comme par exemple l’hydrogène (H2) et l’ammoniac (NH3), est une piste pour limiter les émissions non seulement du fait de l’absence de carbone dans leur structure et donc l’absence d’émissions carbonées associées (CO2, CO, HC et suie), mais aussi sur la perspective de procédés de productions basés sur des ressources renouvelables. 


Cependant, ces composés présentent des propriétés de combustion inhabituelles par rapport aux hydrocarbures conventionnels. Par exemple, l’H2 génère un taux de dégagement de chaleur (HRR) élevé (et donc un maximum de pression dans la chambre plus intense), avec en plus une formation importante d’eau comme produit de combustion voire des émissions de NOx non négligeables à cause de sa température de combustion très élevée. En ce qui concerne le NH3, il présente des propriétés de combustion peu favorables : des limites d'inflammabilité étroites et une faible vitesse de combustion laminaire. En plus son caractère alcalin et la présence d’azote dans sa structure affectent respectivement la compatibilité des matériaux et la formation d’oxydes d’azote au sein du système de combustion.


Ces caractéristiques de combustion non conventionnelles peuvent impacter les propriétés du lubrifiant par une sollicitation thermique et chimique potentiellement plus importante et une contamination accrue en composants oxydants tels que les oxydes d’azotes. De plus, les contraintes thermiques extrêmes peuvent provoquer une détérioration des propriétés de viscosité ou la formation de dépôts et ainsi accroitre la contribution de l'huile vis-à-vis des émissions de particules. L'évolution des performances du lubrifiant dans le temps dépend fortement de la résistance du lubrifiant à l'oxydation et au vieillissement en phase liquide.


Historiquement, les applications moteur thermique classiques largement étudiées ont mis en avant des problématiques de vieillissement en phase liquide des hydrocarbures. Ces dernières pouvant aboutir à la formation de systèmes multiphasiques instables, souvent en lien avec la formation de dépôts ou l’ajout d’insolubles issus de l’environnement du produit. Ces mécanismes, encore mal compris, sont responsables de problématiques majeures pour les véhicules (combustion anormale, encrassement, etc). La figure 1 représente schématiquement le processus chimique global relatif à la stabilité d’un lubrifiant. Grâce au mécanisme du « blow-by », les gaz de combustion, y compris l’oxygène et aussi autres agents oxydants comme les NOx, interagissent avec les constituants de l’huile dans le carter et conduisent à la formation d’hydro-péroxides. Ces dernières, en interagissant entre eux, conduisent à la formation d’espèces solubles et insolubles, qui résulte en une altération des propriétés de l’huile et en la formation des dépôts.

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La contribution de l’huile moteur à la formation de particules carbonées est désormais bien connue dans la littérature. Grâce au mécanisme du « reverse blow-by » ou au simple effet de la remontée  sur les parois du cylindre par les segments de piston, l'huile de lubrification pénètre dans la chambre de combustion. Par sa propre combustion, le lubrifiant contribue ainsi à la formation de particules en augmentant la quantité d'espèces d'hydrocarbures semi-volatiles disponibles pour la formation de la suie, impactant ainsi non seulement les émissions à l’échappement mais aussi l’occurrence des phénomènes des combustions anormales (low-speed pre-ignition, ‘LSPI’) proprement dits. De plus, les métaux et les autres espèces chimiques utilisés comme additifs peuvent favoriser la nucléation des composés semi-volatils issus de la combustion et participer à la formation de nanoparticules riches en métaux. 


Dans ce contexte, l’objectif de notre sujet de thèse est centré sur la compréhension du vieillissement du lubrifiant et son impact sur les émissions des particules dans le cas de combustion moteur avec des carburants « Zéro-Carbone ». L’approche expérimentale qui sera poursuivie vise à investiguer les descripteurs du mécanisme de dégradation des propriétés physico-chimiques du lubrifiant en relation avec la formation des particules. Les attendus de cette thèse apporteront des éléments de compréhension et des données essentielles pour la formulation de lubrifiant et des connaissances sur la combustion anormale nécessaire pour les calculs 3D ainsi que sur la qualité de l’air. Une meilleure connaissance de cette problématique permettra de continuer à optimiser l’adéquation huile/système de combustion et à réduire l’impact des systèmes de combustion innovants avec des carburants zéro carbone sur l’environnement.
 

 

Positionnement de la thèse

Dans le secteur des transports, la problématique du vieillissement des fluides reste une thématique de recherche importante régulièrement impactée par les changements de technologies à la fois sur les fluides et les moteurs. A cela s’ajoutent des contraintes réglementaires de plus en plus strictes.


Les émissions de particules sont strictement réglementées à cause de leur impact sur la pollution atmosphérique et sur la santé. Différents études, principalement réalisé en moteurs diesel, ont montré comme les émissions de particules sont impactées par le lubrifiant mais même pour des carburant conventionnels, l’impact de la chimie du lubrifiant n’est pas clair. Il est difficile de conclure sur une tendance universelle selon le type d’huiles (synthétiques, semi-synthétiques ou minérales). La teneur en soufre, la viscosité, la volatilité, ainsi que la teneur de certains composés métalliques présents dans les additifs, comme le Calcium, semblent être les facteurs à investiguer davantage.


En plus, le vieillissement du lubrifiant semble avoir un impact non négligeable sur les émissions de particules. Certaines études pointent le fait que les huiles neuves semblent émettre plus de particules en masse que les huiles vieillies lors du roulage, à cause de la présences d’aromatiques. Par ailleurs, le vieillissement de l’huile moteur impacte aussi directement le processus de combustion. Différents études ont montré comment le vieillissement du lubrifiant peut augmenter la propension au LSPI en raison de la dégradation de l'huile et des additifs et de la contamination par les métaux d'usure, en particulier Fe et Cu. 


La dégradation thermo-oxydative est à l’origine du vieillissement de l’huile moteur, qui conduit à altérer la qualité du produit, pouvant ainsi limiter l’efficacité du système voire mener à des défaillances. La figure 2b reporte la différente signature spectrale de la nitration et de l’oxydation entre une huile neuve et une huile usagée prouvant leur existence. En effet, la présence d’espèces réactives, comme l’oxygène dans un milieu à haute température peut déclencher le mécanisme radicalaire de l’oxydation en phase liquide. De même, les NOx, issus de la combustion peuvent entrer en contact avec le lubrifiant par la présence de film d'huile sur la chemise du cylindre ou les gorges du piston, ou via le transport de NOx vers le carter (mécanisme du blow-by, figure 2a). Dans le carter, les NOx commencent à réagir avec l’huile avec un mécanisme radicalaire qui conduit à la formation des hydro-péroxides et des ester-nitrates. Ce mécanisme est en compétition avec l’oxydation, le tout étant fonction de la température (figure 2c). Les NOx (NO et NO2) peuvent favoriser le vieillissement de l'huile moteur, par notamment le processus de nitro-oxydation mais aussi la formation de boues et de vernis ainsi qu’à l'augmentation de la viscosité. Cependant, l'impact relatif des ester-nitrates par rapport aux peroxydes sur le processus global d'oxydation est peu étudié, et par conséquent, l’importance qui doit être attachée à l'accumulation de ces produits dans l'huile moteur est à investiguer davantage.

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L’utilisation des carburants « Zero-carbon », vue leurs caractéristiques des combustion plus extrêmes que les carburants conventionnels, peut entrainer une sollicitation thermique et chimique potentiellement plus importante sur le lubrifiant et une dilution accrue de composants oxydants et des oxydes d’azotes. De plus, l’huile moteur est composé d’un ensemble d’additifs incluant notamment des composés inorganiques qui peuvent affecter aussi le vieillissement du lubrifiant en conditions particulières telles que lors de la combustion de H2 ou de NH3, encore très peu d’études existent sur le sujet. 


La complexité et les différents paramètres qui participent à l’adéquation huile/système de combustion, montrent bien l’enjeu qui demeure derrière la nécessité de connaitre et de maitriser ces phénomènes qui entrent en jeu dans le rôle du lubrifiant en particulier pour des systèmes incluant des nouveaux carburants.


L’intérêt de cette thèse est donc de contribuer à améliorer la connaissance, peu consistante jusqu’à présent,  sur l’interaction de l’huile avec la combustion de carburants Zéro-Carbone. L’intérêt originalité du sujet de thèse repose sur la caractérisation du vieillissement du lubrifiant pour ces nouvelles combustions et son rôle dans la formation des émissions polluants.

 

 

Directeur de thèse : Christine ROUSSELLE ⇒ christine.rousselle@univ-orleans.fr

Promoteur de thèse : Lucia GIARRACCA ⇒ lucia.giarracca@ifpen.fr 

Promoteur de thèse : Perrine COLOGON ⇒ perrine.cologon@ifpen.fr