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L’Orléanais, terre de juristes. Ici, c’est le droit #10 Pothier

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Pothier, un professeur de droit résolument ancré dans la vie d’Orléans (1699-1772)

Originaire d’Orléans où il a tenu à passer toute sa vie, issu d’une famille de la bonne bourgeoisie implantée depuis le XVe siècle et habituée aux honneurs municipaux (un de ses ancêtres en était le maire en 1603), le jurisconsulte Robert Joseph Pothier a souvent été désigné comme le « père du Code civil », image que l’influence de ses écrits sur les rédacteurs du Code Napoléon justifie.

Le magistrat et le notable municipal. Un héritier enraciné à Orléans

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Pothier

Né le 9 janvier 1699 à Orléans, deuxième ville du domaine royal et siège de l’enseignement du droit, Pothier est orphelin de père dès l’âge de 8 ans. Élevé par sa mère et par son oncle chanoine, il y est élève au collège des Jésuites où il fait ses humanités avant d’obtenir sa licence en droit à l’université de la ville dès 1718.

Renonçant à sa vocation religieuse sur les prières de sa mère, il reste fidèle à la tradition familiale en entrant dans la magistrature : il reprend de son père et de son grand-père la charge de conseiller au présidial d’Orléans, fonction qu’il exerce 52 ans durant. Il obtient, à la mort de Prévost de la Jannès, la chaire de professeur royal de droit français dans l’encore prestigieuse université d’Orléans, refusant le poste de professeur de droit à Paris que le chancelier d’Aguesseau lui offre. Homme du XVIIIe siècle, il partage peu avec les philosophes des Lumières, étant, à l’image de sa ville dont il est échevin de 1746 à 1749, adepte de la rigueur janséniste, dévot et conservateur.

L’œuvre impressionnante et les sources éclectiques d’un « bénédictin du droit »

 

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oeuvres de Pothier

Son œuvre publiée est considérable : encouragé par d’Aguesseau, il étudie systématiquement le droit romain et présente avec méthode les compilations, jusque-là éparses, dans ses Pandectes de Justinien, mises dans un nouvel ordre de 1748 ; par ailleurs, il s’intéresse au droit civil français en comparant les droits écrits de langue d’oc aux coutumes de langue d’oïl dans son Commentaire de la coutume d’Orléans en 1740, publié avec ses collègues orléanais Prévost de la Jannès et Jousse.

Puis il développe ses théories sur le droit civil fondées sur la morale chrétienne en publiant une série d’une vingtaine de traités consacrés aux différentes matières du droit de son temps : son Traité des obligations de 1761 condamne l’usage de la question, notant que seule « la douleur répond », le contrat de vente, le contrat de bail, le contrat de société, les fiefs, la communauté, les donations entre mari et femme, les successions. Sa culture encyclopédique impressionnante témoigne de l’étendue de ses sources et de ses lectures, dont il reste parfois prisonnier, se plaçant dans les traces des grands juristes du passé – Cujas et Du Moulin, Bartole et Grotius – et innovant peu.

Une influence juridique mondiale exceptionnelle 

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Pothier2

 

Compilateur remarquable, Pothier a le mérite de transmettre en la synthétisant la doctrine privatiste française à son siècle, comparant les coutumes pour en extraire les points communs et les principes généraux. Ce travail de rapprochement, étape préparatoire à la codification, alimente sa gloire posthume au XIXe siècle, dans la France des monarchies censitaires, mais aussi en Europe et outre-Atlantique où certains de ses ouvrages ont été traduits.

L’influence de ses œuvres précède parfois la diffusion du Code civil en Europe napoléonienne, de l’Italie à la Pologne, puis dans la péninsule ibérique à mesure de la traduction de ses ouvrages. Pothier est le vecteur de l’influence du droit français du Japon à l’Argentine en passant par les pays de Common Law où son Traité des obligations bénéficie de plusieurs rééditions, ce qui vaut à Pothier, mort à Orléans le 2 mars 1772, d’être le seul Français statufié au Capitole.

Pierre Allorant

Traces mémorielles

  • Le Capitole à Washington abrite un bas-relief en marbre sculpté en 1950 par Joseph Kiselewski parmi les 23 grands juristes honorés à la Chambre des Représentants.
  • La Cour de Cassation rend hommage, au plafond de sa bibliothèque, par une inscription en lettres d’or, à neuf grands juristes qui ont marqué l’histoire du droit, parmi lesquels Pothier.
  • Le plus grand amphithéâtre de la faculté de droit d’Orléans porte son nom. Un portrait a été inauguré par les doyens Carbonnier et Joël Monéger en 1999 lors du colloque qui lui était consacré.
  • Le Palais de Justice d’Orléans, rue de la Bretonnerie, expose le surmoulage de la statue en plâtre de Pothier réalisée par Gabriel Vital-Dubray. La statue avait été commandée par la ville d’Orléans et inaugurée sur le mail Pothier (actuelle rue Paul Belmondo) le 8 mai 1859 à la faveur des fêtes de Jeanne d’Arc. L’occupant allemand l’a envoyée à la fonte en 1942. Un buste en marbre sculpté d’après la statue en 1877 par Alfred Lanson est conservé dans la galerie des Bustes de la Cour de Cassation au Palais de Justice de Paris.
  • Le lycée de garçons à Orléans, créé en 1803 et héritier du collège des Jésuites fondé en 1617, a été nommé Pothier en 1924.
  • La rue Pothier à Orléans abrite les derniers vestiges de l’université d’Ancien Régime, la salle des thèses, entre la cathédrale, le rectorat et l’hôtel de préfecture. Il y a une rue Pothier à Limoges.
  • Le laboratoire de droit de la faculté de droit, économie et gestion de l’université d’Orléans, dirigé par Florent Blanco se nomme Centre de Recherches Juridiques Pothier. Héritier de l’Institut de droit économique et des affaires fondé par le doyen Élie Alfandari, ce laboratoire créé en 1998 a fusionné en 2014 avec l’ancien Laboratoire Collectivités Territoriales, créé en 1976. Il regroupe une centaine de chercheurs dont un tiers de doctorants.

 

Pour aller plus loin :

  • A-J. Arnaud, Les origines doctrinales du Code civil français, 1969, Paris, LGDJ, p. 111 et s., 163 et s., 206 et s.
  • Éric Gojosso, « Sur Pothier et le code civil », in Études d’histoire du droit privé en souvenir de Maryse Carlin, 2008, Paris, La Mémoire du droit, p. 403-415.
  • Joël Monéger, Jean-Louis Sourioux et Aline Terrasson de Fougères, Robert Joseph Pothier, d’hier à aujourd’hui, 2001, Paris, Économica.
  • Jean-Louis Sourioux, « Les exemples de Pothier », RTD civ, 2006/3, p. 493-503.
  • Jean-Louis Thireau, « Pothier, le droit romain et le droit naturel », in Les grands juristes, 2006, p. 113-128.